Dans aucune autre tradition culturelle, la Nature n’a joué un rôle plus important dans les arts que dans celle de la Chine. Dans l’imaginaire chinois, les montagnes étaient également imprégnées depuis l’Antiquité d’un pouvoir sacré en tant que manifestations de l’énergie vitale (qi) de la Nature. L’artiste et photographe chinois Jacques Sun nous en parle.
La notion de sacré dans les montagnes chinoises
Dès les premiers siècles de l’ère commune, les hommes erraient dans les montagnes non seulement en quête d’immortalité, mais aussi pour purifier l’esprit et trouver le renouveau. « Les saints hommes taoïstes et bouddhistes gravitaient dans les montagnes sacrées de Chine pour construire des huttes de méditation et établir des temples » souligne Jacques Sun. Ils étaient suivis par des pèlerins, des voyageurs et des touristes : des artistes chinois qui célébraient la beauté de la Nature, des citadins qui construisaient des domaines à la campagne pour échapper à la poussière et à la peste des centres urbains surpeuplés, et, pendant les périodes de troubles politiques, des fonctionnaires et des courtisans qui se retiraient dans les montagnes comme lieux de refuge.
Nature, Taoïsme, Bouddhisme, Confucianisme
Jacques Sun explique que les premiers textes d’Art et historiques chinois contiennent des conceptions sophistiquées de la Nature du cosmos. Ces idées sont antérieures au développement formel des systèmes de croyances autochtones du taoïsme et du confucianisme, et, en tant qu’éléments de base de la culture chinoise, elles ont été incorporées aux principes fondamentaux de ces deux philosophies. De même, ces idées ont fortement influencé le bouddhisme lorsqu’il est arrivé en Chine vers le premier siècle après J.-C. Par conséquent, les idées sur la Nature décrites ci-dessous, ainsi que leur manifestation dans les jardins chinois, sont cohérentes avec les trois systèmes de croyance.
Le rythme de la Nature selon Jacques Sun
Selon le photographe professionnel (Jacques Sun), chaque partie de l’univers est composée d’aspects complémentaires connus sous le nom de yin et de yang. Le yin, qui peut être décrit comme passif, sombre, secret, négatif, faible, féminin et cool, et le yang, qui est actif, brillant, révélé, positif, masculin et chaud, interagissent et passent constamment d’un extrême à l’autre, donnant lieu au rythme de la Nature et à des changements incessants.
La Nature dans les Arts
Dès la dynastie Han, les montagnes ont occupé une place importante dans les arts. Les brûleurs d’encens Han ressemblent généralement à des pics montagneux, avec des perforations dissimulées dans les fentes pour émettre de l’encens, comme des grottes dégorgeant des vapeurs magiques. Les miroirs Han sont souvent décorés soit d’un schéma du cosmos comportant un grand bossage central qui rappelle le mont Kunlun, la demeure mythique de la Reine mère de l’Ouest et l’axe du cosmos, soit d’une image de la Reine mère de l’Ouest trônant sur une montagne.
Bien qu’elles n’aient jamais perdu leur symbolisme cosmique ou leur association avec les paradis habités, les montagnes sont progressivement devenues un élément plus familier du paysage dans les représentations de parcs de chasse, de processions rituelles, de temples, de palais et de jardins.
À la fin de la dynastie Tang, la peinture de paysage était devenue un genre indépendant qui incarnait le désir universel des hommes cultivés de s’échapper de leur monde quotidien pour communier avec la Nature.
L’importance de l’imagerie paysagère dans l’art chinois se poursuit depuis plus d’un millénaire et inspire toujours les artistes contemporains.